[Digital Business Africa] – Le prestataire retenu pour la réalisation de l’étude technique en vue de la mise en œuvre du programme spatial camerounais estime qu’avoir un satellite dédié pour le Cameroun serait très onéreux et nécessite plusieurs années de planning et de ressources humaines qualifiées. Il recommande d’autres options.
En octobre 2023, la toile camerounaise était en ébullition après la publication du communiqué du Minpostel portant attribution du marché de réalisation d’une étude technique approfondie en vue de la « mise en œuvre d’un programme spatial au Cameroun ». C’est le groupement de bureaux d’études techniques EUROCONSULT/INTEGC SARL/DIGIGLOBE qui avait été choisi suivant l’ autorisation de gré à gré N°04658-23/N/MINMAP/SG/DGMAS/DMSPFCE4/CEA7 du 14 septembre 2023 pour ce marché d’un montant de 2 milliards 012 061 089 F.CFA.
Plus tard, le Minpostel expliquait que le programme spatial camerounais permettra de connecter à Internet 15 000 villages, 23 000 écoles primaires (dont 14 000 situées en zones rurales), 4 400 écoles secondaires et 6 000 structures de soins, y compris 4 500 petits dispensaires.
Au niveau des services publics, ce programme mettrait fin à la limitation actuelle de la bande passante, améliorant ainsi l’efficacité et l’accessibilité des services de l’État. Dans le domaine de la défense, le Minspotel indique que les satellites seraient cruciaux pour la surveillance quotidienne des 4 600 km de frontières terrestres du Cameroun, avec une zone tampon de 100 km pour détecter les activités suspectes et prévenir les incursions.
Ce programme serait également, selon le Minpostel, d’une grande utilité pour la Marine nationale et les Douanes, car les satellites aideraient à surveiller les 16 500 km² de la zone économique exclusive, protégeant ainsi contre la pêche illégale, le transbordement clandestin et la piraterie.
Pour en savoir plus et surtout pour comprendre la nature du travail de ce groupement, Digital Business Africa s’est entretenu avec un cadre d’Euroconsult, membre du groupement retenu pour la réalisation de l’étude technique approfondie de ce programme spatial.
Stéphane Chenard est Senior Advisor à EuroConsult. Il est en ce moment au Cameroun avec des membres de son équipe pour certaines audiences dans trois régions du Cameroun en vue de la réalisation de cette étude. Stéphane Chenard, qui travaille sur les projets de satellites et les affaires spatiales depuis plus de 30 ans, nous fournit les détails sur le programme spatial qu’ils entendent proposer au Cameroun.
Digital Business Africa : Le groupement de bureaux d’études techniques EUROCONSULT/INTEGC SARL/DIGIGLOBE a été retenu l’an dernier pour la réalisation de l’étude technique en vue de la réalisation du programme spatial camerounais. Quelle est votre mission et la nature de votre travail ?
Stéphane Chenard : Déjà, j’ai lu dans certains journaux que nous ne sommes pas compétents pour la réalisation d’une telle étude. Non. C’est faux. EuroConsult est bien compétente pour ce type d’études. Nous sommes associés à un partenaire camerounais qui n’est pas un spécialiste des satellites : le groupe Integc. C’est nous qui sommes spécialistes des satellites. Sur le montant du contrat, je n’ai pas de commentaire, c’est le MINPOSTEL qui estime combien cela peut valoir.
Sur la mission exacte dont nous sommes chargés, on nous a demandé d’évaluer les besoins du Cameroun sur l’utilisation des techniques spatiales, que ce soit pour les télécoms ou pour l’observation de la terre et dans tous les services de l’État.
Il nous faut également savoir ce qui se fait dans le secteur privé, ce qui existe déjà dans le secteur des télécoms, dans l’agriculture, dans les secteurs de la sécurité, dans le domaine de la surveillance maritime. Vraiment dans tous les domaines dans lesquels les satellites peuvent être utilisés. Nous avons déjà recensé les besoins non desservis, qui sont nombreux puisqu’il y a peu d’utilisation des satellites en fait.
À présent, la phase dans laquelle on est, c’est de voir sur le marché des techniques et des services spatiaux ce qui est disponible. Qu’est-ce qui correspondrait bien aux besoins ? Et d’aider le Minpostel à structurer un appel à expression d’intérêt, puis un appel d’offres qui sortirait en principe au début de l’an prochain pour que les vendeurs de par le monde viennent et disent : « Voilà, moi, je peux vous proposer ceci à tel prix. » Et à ce moment-là, les discussions s’engagent entre le Minpostel ou l’État camerounais et ses fournisseurs potentiels. Et notre mission sera faite.
Digital Business Africa : Et quid de l’ agence spatiale camerounaise ?
Stéphane Chenard : Effectivement, on nous demande aussi de conseiller le gouvernement sur la forme que pourrait prendre une agence spatiale. Une organisation qui serait chargée de gérer tout ça. Toutes ces passations de marchés, le fonctionnement des réseaux qui pourraient être mis en place, le choix des prestataires, puisqu’il y en aura bien sûr, le suivi et la promotion des techniques spatiales, la construction éventuellement d’une infrastructure industrielle, puisqu’il ne s’agit pas de faire un programme qui consisterait uniquement en importations. Surtout pas.
Nous avons pour mission d’essayer, dans la mesure du possible, de trouver des sources de revenus, d’identifier les bénéfices pour l’économie, pas seulement pour la société, et d’encourager la création d’entreprises ou des entreprises qui sont déjà à plein ou potentiellement dans ces domaines-là. Des entreprises qui font de la cartographie, des techniques géospatiales, des applications mobiles ou sur Internet, par exemple, qui souffrent du fait qu’il n’y a pas de connectivité Internet dans les campagnes et qui bénéficieraient donc du fait qu’on pourrait améliorer tout ça avec des réseaux satellites.
Et nous sommes sur deux pistes principales qui sont de rénover très largement, de créer des accès, plusieurs milliers d’accès Internet par satellite dans les régions, dans les endroits où il n’y a rien et où il y a le plus besoin.
Digital Business Africa : C’est toujours dans votre contrat d’installer ces milliers d’accès Internet par satellite ou bien vous faites simplement des études pour cela ? Vous parlez comme si c’était vous qui allez réaliser…
Stéphane Chenard : Alors non, non. Nous fournissons uniquement des études. Évidemment, il y aura des prestataires pour installer des satellites, mais ils seront choisis sur la base d’un appel d’offres différent. Et ce ne sera pas nous, parce que nous, ce n’est pas notre métier d’installer des antennes. Tout ce qu’on peut faire, c’est de recommander le nombre et le type d’antennes, par exemple. Mais on ne va pas recommander le fournisseur, parce que, cela doit être un marché public et ouvert.
Digital Business Africa : En clair, vous proposez simplement les termes de référence (TDR)…
Stéphane Chenard : Voilà ! Exactement. Nous recommandons les termes de référence et on va au-delà. Mais, notamment pour ces marchés, on recommande les termes de référence qui évidemment demandent une connaissance spécialisée que le Minpostel n’a pas ou pas entièrement. Ensuite, derrière, c’est entièrement leur affaire de réaliser ou pas.
Mais nous, une fois qu’on a fourni notre étude, notre job est fait. Nous sommes purement des consultants, des réalisateurs d’études. Il y a des recommandations institutionnelles aussi. On nous a demandé quelle forme pourrait prendre une agence spatiale. Et comment cela se passe dans d’autres pays.
Digital Business Africa : C’est tout cela qui coûte deux milliards de francs CFA ?
Stéphane Chenard : Oui, parce que c’est un long travail. Mais, encore une fois, sur le prix, je n’ai pas à m’exprimer. Je sais que le prix a fait débat. Je ne peux pas dire plus que cela. On est heureux d’avoir été choisi. C’est tout.
Digital Business Africa : Vous allez travailler en combien de temps ?
Stéphane Chenard : Nous avons commencé à travailler en février et nous sommes sur un programme qui normalement s’achève en février prochain. Donc, un an de travail. Et c’est un travail d’équipe. C’est une équipe de trois personnes, plus notre partenaire qui l’intègre, qui lui a également une équipe qui travaille sur les questions d’impact environnemental. Puisque légalement, on doit regarder les impacts environnementaux de ce genre de programme, même si, en l’occurrence, ils sont très limités.
Digital Business Africa : Comment est structuré votre partenariat ? Dans le communiqué portant attribution de ce marché, il est indiqué que c’est un groupement. Comment est structuré ce Groupement de trois entreprises ?
Stéphane Chenard : C’est un groupement. Mon patron connaît sans doute mieux que moi les contours de ce groupement, parce que ce n’est pas moi qui ai négocié le contrat. Nous avons un groupement ad hoc avec Integc et c’est le groupement qui a gagné le marché.
C’est une façon traditionnelle de travailler. Installés à Paris, nous ne sommes pas les mieux placés pour signer des contrats avec le gouvernement camerounais. Donc, en général, dans ces affaires-là, il y a toujours un partenaire local qui travaille réellement.
Il y a quelques constructions envisageables, des antennes à installer ou encore des moyens techniques existants à rénover. Ils ont un rôle bien identifié et dans leur domaine de compétence.
Digital Business Africa : Si l’on s’en tient à vos explications, leur rôle n’est pas d’installer tous ces moyens techniques…
Stéphane Chenard : Non. Mais, pour pouvoir s’installer, il y a quand même beaucoup d’études à faire. Il ne s’agit pas de débarquer et d’installer des antennes dans les villages. Il faut qu’il y ait une antenne maîtresse et un centre pour gérer tout le réseau. C’est plusieurs milliers de points. Et il faut un moyen centralisé. Il doit y avoir une architecture définie. Cela ne s’improvise pas. Il y a un travail de définition technique à faire avant de pouvoir solliciter l’industrie sur ce genre de fourniture. Il faut quand même pouvoir expliquer ce qu’on veut acheter.
Digital Business Africa : Quels sont les types d’antennes VSAT que vous allez proposer pour cette agence spatiale ? Seront-ils similaires à ce qu’on retrouve à Zamengoué ou simplement des petites antennes ?
Stéphane Chenard : Le centre que l’on propose de réhabiliter et où doit normalement se tenir la première réunion publique, c’est justement celui de Zamengoué qu’on a identifié, qui est un petit peu à l’abandon. Mais, il y a une bonne base à remettre en état. Il n’y a pas besoin de réinventer les choses.
Ensuite, dans les régions, dans les villages, il faudrait de petites antennes. Ce qu’on appelle des dessertes, qui sont des antennes d’un peu moins d’un mètre autonomes et qui communiquent avec le satellite par l’intermédiaire de la station centrale qui coordonne le réseau. C’est l’architecture standard d’un réseau de satellites.
Digital Business Africa : Combien de petites antennes de ce type prévoyez-vous dans toutes les dix régions ?
Stéphane Chenard : L’idée sur laquelle nous sommes, c’est d’avoir 5000 sites. C’est une estimation assez approximative de ce qui permettrait de desservir les localités qui, aujourd’hui, n’ont rien, qui ne sont pas sur la fibre, qui sont hors de la couverture des réseaux 4G et où on pourrait faire le plus de différence au final.
D’abord, ce ne sont pas 5000 sites dès le premier jour. Pour l’industrie du satellite, ce n’est pas un très gros réseau. Mais pour installer 5 000 sites, il faut quand même un certain temps. Et puis, au final, ça peut être plus. Si les cadres au Minpostel estiment que cela répond vraiment à des besoins, ils sont bien entendu libres de donner au programme toutes les évolutions qu’ils veulent.
Sur les 5000 sites, c’est une hypothèse pour nos calculs purement. On ne spécifie pas un réseau de 5000 sites VSAT. L’appel d’offres ne sera pas nécessairement pour 5 000 sites, mais on est bien obligé d’avoir un chiffre pour estimer les coûts et les budgets. Pour donner un ordre de grandeur à l’industrie. Et donc, il ne faut pas nécessairement trop se polariser sur ce chiffre.
Digital Business Africa : Au-delà de ces sites-là, il y a aussi un débat sur les réseaux sociaux concernant le satellite en question. Le satellite en question, ce sera quoi exactement comme satellite ? Quelles sont les spécificités du satellite que le Cameroun entend envoyer dans l’espace ?
Stéphane Chenard : À ce stade, on n’envisage pas a priori qu’il y ait un satellite dédié camerounais. Parce qu’on travaille quand même à coûts minima. Dans l’hypothèse, on essaie de trouver les meilleures solutions et les moins chères possibles. Ce que je dis toujours aux gens, c’est que je suis là pour essayer de faire économiser de l’argent à l’État. Un satellite pour le Cameroun, ça demanderait plusieurs années de planning, ça demanderait au bas mot 300 millions de dollars de CAPEX.
Il faudrait ensuite avoir évidemment les ressources humaines et techniques pour le faire fonctionner. Ça n’apporterait pas forcément tant d’autonomie que ça. Parce qu’on peut avoir un satellite national et il tombe en panne, comme c’est arrivé au Nigéria ou en Angola ou dans un autre pays… Il ne serait pas forcément up-to-date, parce que la technique évolue rapidement et, par ailleurs, il faut des fréquences pour avoir un satellite.
Or, la compréhension qu’on a des dossiers de fréquences déposés par le Cameroun, c’est que pour l’instant, il n’y a pas les ressources qui permettent vraiment de monter un satellite. Donc, l’hypothèse sur laquelle on est, c’est qu’il y aurait des capacités à louer ou à acheter aux opérateurs commerciaux existants.
Digital Business Africa : Est-ce que la location ne reviendra pas plus cher au Cameroun ?
Stéphane Chenard : Non, pas forcément. Nous, on a travaillé plus d’une fois sur des dossiers comme ça. Il y a quand même un marché concurrentiel. Ça ne revient pas forcément plus cher. On n’est même pas obligé forcément de louer une formule qui est possible, qui est d’acheter des capacités. C’est comme acheter un étage dans un immeuble. Ensuite, c’est à vous. On ne peut plus vous le prendre. C’est payé d’avance à des tarifs qui peuvent être plus avantageux que de louer. Donc, à des prix de locations.
Par ailleurs, sur le marché des satellites, le prix des capacités a beaucoup baissé depuis. Par exemple, on le voit dans les fameuses études du Minpostel et de l’ART qui ont été faites. Les prix ont énormément baissé, parce que le marché est devenu plus concurrentiel. Les constellations sont arrivées, etc.
Donc, il y a moyen de trouver des solutions fiables à des prix raisonnables. Maintenant, vous trouverez toujours quelqu’un qui vous dira : « Moi, je peux vous faire un satellite pour 80 millions de dollars, y compris le lancement ». Ça ne veut pas dire que c’est forcément la meilleure solution, encore moins la plus rapide. Surtout lorsqu’on a vraiment une priorité dans la feuille de route qui veut que tout cela fournisse des résultats tangibles, concrets et rapidement. Il ne s’agit pas que les gens attendent cinq ans pour qu’une merveille technologique arrive.
Moi, ce que j’aimerais bien, c’est commencer à avoir des antennes connectant les hôpitaux dans les villages reculés à partir de l’an prochain. Il est possible d’aller très vite maintenant.
Digital Business Africa : Oui, mais cela peut décevoir certains Camerounais qui pensaient par exemple que, comme le Sénégal avec GaindéSat, le Cameroun allait également lancer pour bientôt son propre satellite…
Stéphane Chenard : Ce n’est effectivement pas une recommandation qui nous paraît la plus judicieuse en termes de rapidité, de disponibilité des services, de coût et de faisabilité. Surtout de faisabilité technique. Encore une fois, vous n’avez pas les fréquences pour faire un satellite.
Je connais le Programme sénégalais et l’Agence spatiale sénégalaise. Ce qu’ils ont lancé n’est pas un satellite de télécommunications. Cela ne permet pas de répondre à des besoins de l’ampleur de ce qu’on a identifié au Cameroun. Ce sont des petits satellites d’une dizaine de kilos qui permettent de collecter des données à partir de balises. C’est intéressant ce qu’ils font. Mais, cela ne fournit pas l’Internet dans les villages.
Et par ailleurs, on n’exclut pas du tout que le Cameroun puisse lui-même avoir un petit satellite de la même taille, mais qui là serait un projet scientifique ou universitaire. Dans la mesure où les compétences scientifiques et universitaires et industrielles existent au Cameroun pour faire cela. A ce moment-là, il y aurait on pourrait évoquer cela. Il faut en plus qu’il soit justifié par un intérêt scientifique. C’est une question à étudier. On regarde tout ça.
Personnellement, je n’envisage pas qu’on lance des satellites juste pour se faire plaisir. Il faut qu’il y ait une mission en terme de télécommunications. Le programme Gaindésat n’est pas un satellite permettant de répondre aux besoins massifs de connectivité d’un pays comme le Cameroun.
Une meilleure comparaison serait le satellite de l’Angola qui s’appelle AngoSat.
Ou le NigComSat-1, celui du Nigéria. Vous en avez certainement entendu parler. Il y a plusieurs systèmes qui ont été lancés par des pays africains. L’Égypte en a. L’Algérie aussi. Mais, ils ont pris des années de planification. Ils ont passé vraiment beaucoup de temps pour récupérer les fréquences. Est-ce que c’est économiquement la meilleure solution pour ces pays ? C’est la voie qu’ils ont choisie pour des raisons qui les regardent. Mais est-ce que ces systèmes-là sont de brillants succès commerciaux ? La question fait débat.
Je vous invite à regarder au Nigéria ce que les gens pensent de la performance de leur satellite NigComSat-1. Je n’ai rien contre NigComSat, mais le fait est que dans le monde des satellites, aujourd’hui, vous avez des opérateurs qui en ont 50, 100 ou plusieurs milliers de satellites. Donc, pour arriver avec un seul satellite et dire que cela va satisfaire mes besoins, il faut soit avoir des besoins modestes, soit avoir vraiment trouvé une très bonne architecture. Surtout, il faut avoir des fréquences pour ça. Ça ne s’improvise pas les fréquences.
Digital Business Africa : Et les fréquences se gèrent au niveau de l’Union internationale des télécommunications…
Stéphane Chenard : Oui. Pour les fréquences, il faut les demander à l’Union Internationale des Télécommunications. Il faut informer l’Union internationale des télécommunications qu’on voudrait utiliser telle ou telle gamme de fréquences pour un satellite qui transmettrait dans telle zone. Le problème, c’est que comme il y a déjà des satellites qui utilisent les mêmes fréquences dans une zone qui peut les recouvrir, il faut se mettre d’accord avec les copains pour ne pas les brouiller. Ça, ça prend des années.
Et en face, ils ne sont pas obligés de faire des concessions.
Par ailleurs, c’est un programme qui est mis en œuvre. Ce n’est pas un jouet pour que les Happy Few se disent qu’ils ont un satellite. On travaille vraiment dans l’esprit de comment on peut améliorer la vie quotidienne dans les villes et les campagnes, dans des régions où la couverture des télécoms s’est avérée très difficile à mettre en place par d’autres moyens. En prenant en compte la sécurité du pays. On touche réellement à beaucoup de problématiques. C’est très bien de travailler pour les gens, mais il faut quand même que les Camerounais soient au courant.
Les réunions publiques vont avoir lieu cette semaine. Le but est que les populations nous disent s’ils sont d’accord ou pas, ce qu’ils en pensent ou pas.
Dans un programme spatial, les gens s’attendent à ce qu’il y ait des fusées. Ou encore s’attendent à ce qu’il ait une base de lancement des fusées depuis le Cameroun. Non. Il ne s’agit pas de cela. C’est une étude totalement théorique.
Digital Business Africa : Toujours en terme de comparaison, parce qu’il y a beaucoup de comparaisons qui seront faites quand le Cameroun va communiquer sur ce que le pays va réaliser. Lorsque vous évoquez la possibilité d’installer 5 000 sites de satellites sur l’ensemble du pays pour que le pays ait l’accès à l’Internet haut débit, partout dans les régions, dans les villages et les localités, il y a d’abord deux milliards de francs CFA pour les études. Pour la réalisation de ces sites, cela va encore coûter beaucoup d’argent et beaucoup plus de milliards. Ne serait-il pas plus facile et moins onéreux pour le Cameroun d’autoriser un opérateur satellitaire comme Starlink qui est disponible partout dans le monde et même dans des villages ?
Stéphane Chenard : Cela coûterait forcément quelque chose, parce que Starlink ne travaille pas gratuitement dans la mesure où c’est un opérateur satellitaire. Sur le cas spécifique de Starlink, je vous invite plutôt à interroger le Minpostel sur l’opportunité de les autoriser ou pas. Ou encore sur les problèmes qu’ils ont à se légaliser.
Digital Business Africa : Je parle davantage de comparaison sur les coûts à dépenser. Pas sur l’opportunité de les autoriser ou pas. En dépensant deux milliards de francs CFA aujourd’hui pour les études que vous faites en ce moment et beaucoup plus prochainement pour l’implémentation des antennes satellites, est-ce que le pays ne gagnerait pas plus ou n’économiserait pas plus en autorisant simplement un opérateur satellitaire comme Starlink à pouvoir donner la connectivité à tout le monde, y compris dans les villages ? Que répondez-vous à ceux qui pensent ainsi ?
Stéphane Chenard : Je comprends votre question. Le Minpostel a estimé qu’il leur fallait une étude pour voir combien d’antennes il fallait installer. Et par ailleurs, le programme ne se limite pas à installer des antennes. On travaille sur beaucoup d’autres choses. Les accès à l’imagerie spatiale, par exemple, pour améliorer la cartographie qui est très défaillante, ou encore la constitution et la création d’une agence spatiale pour coordonner tout cela.
Notre client a estimé qu’il voulait que quelqu’un le conseille sur la meilleure façon de s’y prendre, parce qu’il n’avait pas les ressources pour faire cela. C’est pour cela qu’ils ont choisi de travailler avec nous. C’est une décision totalement souveraine de l’État camerounais.
Alors, est ce qu’ils auraient pu juste dire à tel ou tel autre : vous êtes libres d’installer des antennes, mais à ce moment-là, le marché aurait joué ? Oui. Mais qui dans les villages a les moyens de se payer une antenne Starlink par exemple ? Aujourd’hui, ça coûte plusieurs centaines de dollars et parfois, en plus, plusieurs centaines de dollars par mois. Et en laissant de côté le cas spécifique de Starlink qui pose quelques problèmes à cause de l’architecture de leur réseau, qui fait qu’il échappe à tout contrôle.
Mais l’idée est aussi bien de confier tout ça au marché et d’acheter les meilleures solutions. Est-ce que, au moment où cet appel d’offres sortira, Starlink soumissionnera ? Peut-être. Nous ne faisons absolument pas une croix, ni sur eux, ni sur aucun autre fournisseur potentiel. Ce n’est pas notre rôle. On n’est même pas là pour recommander un fournisseur. À ce stade, on peut les lister, par contre. Donc, c’est ce qu’on fait.
Propos recueillis par Beaugas Orain DJOYUM