- Au Sahel, 64 % de la population vit dans des zones rurales et dépend principalement de l’agriculture pluviale pour sa subsistance. Malgré un potentiel de 2 millions d’hectares de terres irrigables, seules 3 % des terres cultivées sont irriguées. Pour les petits producteurs, l’accès à l’eau pour l’irrigation est capital pour soutenir leurs moyens de subsistance et leur assurer la prospérité et la paix dans leurs communautés.
- Le PARIIS est le premier projet régional conçu à la suite de l’adoption, en 2013, par les chefs d’Etats de l’Initiative pour l’Irrigation au Sahel (2IS). Il mise sur l’alliance de technologies simples et abordables, associant le savoir-faire local pour irriguer les terres et démultiplier leur potentiel.
- Le projet est actif dans plus de 2 000 sites à travers les pays couverts, avec plus de 20 000 hectares à irriguer au profit d’environ 390 000 bénéficiaires, dont 49 % sont des femmes. Les bénéfices incluent une réduction des coûts d’irrigation, un renforcement de la résilience au changement climatique, une amélioration des revenus des agriculteurs, et un renforcement de la sécurité alimentaire.
Au cœur du Sénégal, les vastes terres du Saloum sont à couper le souffle. La verdure, éphémère, s’étend à perte de vue, remplie de promesses des prochaines cultures. Pour ceux qui vivent de la terre, c’est le temps de planter et d’attendre que la nature fasse son miracle.
A Keur Ali Gueye, dans un périmètre maraîcher de deux hectares tenus par le groupement Disso, une coopérative de 40 personnes dont 38 femmes, la sécheresse, les retards de pluie, les caprices du climat ne sont plus un souci. Désormais, l’eau coule sans discontinuer. Des barbelés protègent l’espace contre les animaux en divagation. Les semences, triées sur le volet, poussent déjà et annoncent une belle récolte.
Mais cela n’a pas toujours été le cas. « Nous devions puiser l’eau des puits, à la main. Les activités étaient très pénibles pour nous », confie Fatim Sarr, présidente de Disso. « Depuis maintenant deux ans, avec l’installation du système d’irrigation, des panneaux solaires et des clôtures, le travail s’améliore. Nous sommes incités à produire davantage. »
Disso assure désormais trois productions tout au long de l’année. Pour cet hivernage, ils font principalement du maïs et du gombo, aidés d’un système d’irrigation par aspersion. Le groupement souhaite étendre son périmètre jusqu’à cinq hectares pour produire plus.
Le succès suscite des intérêts. « Nous avons déjà 30 personnes qui souhaitent nous rejoindre pour accroître leurs productions. Ils disent qu’ici, c’est de l’or ! », s’exclame Fatim, entre deux inspections de ses gombos.
Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal, Tchad : des systèmes d’irrigation qui laissent une empreinte durable sur les petits producteurs
Les succès enregistrés à Keur Aly Gueye sont les résultats du Projet d’appui régional à l’initiative pour l’irrigation au Sahel (PARIIS), financé par la Banque mondiale à travers l’Association internationale de développement, IDA (170 millions de dollars) et par l’Agence espagnole pour le développement international et la coopération, AECID (30 millions d’euros). Coordonné par le Comité permanent inter-Etats de lutte contre la sécheresse au Sahel (CILSS), le PARIIS veut laisser une empreinte durable sur les petits producteurs dans les six Etats du Sahel.
Si dans le Saloum au Sénégal on y va à l’asperseur pour irriguer, d’autres solutions sont préconisées ailleurs pour répondre aux mêmes besoins : apporter de l’eau aux terres pour accroître les rendements et lutter contre l’insécurité alimentaire.
Dans la vallée de Doukour au Tchad, à environ 900 kilomètres de N’djamena, un seuil d’épandage implanté dans le lit des eaux de ruissellement a été réhabilité. L’ouvrage fonctionne comme une digue qui retient l’eau durant la période de crue et lui permet de se déposer en profondeur pour alimenter la nappe phréatique pendant plusieurs mois. Dans cette contrée semi-aride, 17 villages bénéficient directement de l’ouvrage pour irriguer les cultures.
Fattah Hassan Dubaal, cheffe du groupement Adoulous, créé il y a bientôt dix ans, supervise les travaux avec ses camarades. Forte aujourd’hui de 33 femmes, la coopérative occupe une superficie de 1,7 hectare dans l’emprise du seuil et produit des légumes pour l’autoconsommation, mais aussi pour la vente.
Ce que nous faisons ici n’est pas seulement une affaire d’irrigation. Il s’agit aussi et surtout de construire un puits de connaissances et de savoir-faire locaux pour informer des missions similaires, dans le Sahel et ailleurs.
Jean François Faye,
chargé de la gestion des connaissances du PARIIS au Sénégal.
« Le PARIIS nous a beaucoup aidées avec l’irrigation, des grillages, des intrants, des semences et des charrettes à chevaux. Nous cultivons maintenant pendant trois campagnes agricoles dans l’année, et notre production est passée d’une dizaine de sacs de produits maraîchers, à un minimum de 65 sacs », confie Fattah. « Notre revenu annuel se situe autour de 3 à 4 millions FCFA par an, contre environ 500 000 auparavant. Après les charges courantes, le surplus est réparti entre les membres. Ce qui me revient me sert à nourrir mes enfants, les soigner et les inscrire à l’école », ajoute cette mère de six enfants.
Les premiers succès font déjà des émules. « Trois groupements voisins veulent nous imiter, alors que nous nous tournons déjà vers la résolution d’autres défis : les moyens de transport pour atteindre la ville d’Abéché, la consolidation de notre nouvelle clientèle, une meilleure commercialisation, et le stockage de nos récoltes qui sont de plus en plus importantes », ajoute Fattah.
Plus loin, à Tekane – à 260 km de Nouakchott en Mauritanie, Adinou Moumour Sy, producteur agricole et père de cinq enfants, supervise les activités de semis. Dans la coopérative de N’Djam ter Tekan (117 membres) dont il est le secrétaire général, on cultive entre autres du riz, des aubergines et des pastèques sur 36 hectares. « Avant, il fallait toute une journée pour irriguer un hectare et préparer les semis. Aujourd’hui, on peut travailler sur trois hectares par jour », dit-il.
De l’eau pour relever les défis du changement climatique, renforcer la sécurité alimentaire, et promouvoir la prospérité et la paix dans les communautés.
La maîtrise de l’eau est une nécessité cruciale pour atténuer les effets du changement climatique et faire de l’agriculture un secteur créateur d’emplois, notamment en milieu rural, et un moteur de croissance économique pour les pays du Sahel. Une approche régionale est essentielle pour y parvenir.
Chakib Jenane,
directeur régional du développement durable à la Banque mondiale
Au-delà de l’irrigation, ce qui se joue, partout dans l’immensité du Sahel, c’est une lutte silencieuse contre l’exode rural. Faute de perspectives, des jeunes sont tentés par l’aventure vers les grandes villes ou vers l’Occident. L’espoir est de réunir les femmes et les hommes autour de leurs terres, leur donner les moyens pour les mettre en valeur, leur permettre de vivre et de prospérer, chez eux. Le PARIIS ouvre la voie à des ambitions plus grandes : « Nous avons déjà entamé des discussions avec les gouvernements en vue de financer un nouveau projet dans le secteur, qui devra étendre à plus grande échelle les initiatives lancées par le PARIIS, en vue de réaliser des impacts plus importants », ajoute Chakib Jenane.
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